• chapitre 9

    Entourée par cette dizaine de personnes, Mizuki n’en menait pas large. Bien que le creux de l’arbre soit dans la pénombre, elle y voyait comme en plein jour – à force de vivre la nuit les Norixes étaient nyctalopes – et ce qu’elle voyait de l’enchantait guère. Les Phées étaient nettement reconnaissables à leurs oreilles pointues et leurs vêtements. Sauf que ceux-ci étaient armés jusqu’aux dents de trucs pointues, tranchants et destinés à faire le plus mal possible.

    Mizuki fit un pas en arrière pour se cacher derrière Xylin ; elle se dissimulait ainsi de la plupart des « agresseurs ».

    -Qu’est-ce qu’on fait maintenant ? chuchota-t-elle dans l’oreille de Xylin.

    -Ne t’inquiètes pas, lui répondit-il, tu ne risques rien avec moi.

    Ce qui ne la rassura pas pour autant.

    -Qui est là ? Qui êtes-vous ? demanda un des Phées qui s’était avancé sans que Mizuki ne s’en aperçoive.

    -Ne t’inquiètes pas Xiel, ce n’est que moi.

    -Prince Xylin ! Vous nous avez fait peur ! Vous ne passez pas par ici d’habitude…

    -Nous avons été surpris par la tempête.

    -Qui est cette personne qui vous accompagne ? Il est rare que vous laissiez quelqu’un monter sur votre Corbeau.

    -C’est une amie.

    -Une amie ? J’aimerais…

    -J’ai dit que c’était une amie. Auriez-vous l’impudence de ne pas respecter la volonté du Prince héritier ?

    -Non bien sûr que non, mon Prince, je suis navré, bafouilla le garde confus.

    -C’est bon, vous ne faisiez que votre travail. Vous pouvez vous retirer.

    Tous les gardes se fendirent d’une courbette puis s’évanouirent comme par magie. Il ne resta bientôt plus que Mizuki et le prince Xylin.

     

    -Ouah, un prince, rien que ça !

    -Bah c’est plus de complications qu’autre chose, tu sais. Beaucoup de devoirs et de responsabilités et peu de libertés et de plaisirs.

    -C’est pour ça que tu aimes autant voler ? Tu arrives à concilier devoir et plaisir ?

    -Oui, c’est ça. Enfin… entres autres.

    -Je vois. Au fait, maintenant que je suis coincée ici, qu’est-ce que je vais faire ? ou plutôt, qu’est-ce qu’on va faire ?

    -Eh bien comme tu es une étrangère, je ne peux pas vraiment me permettre de te faire visiter les lieux… les autres n’apprécieraient pas.

    -Ce qui peut se comprendre ! Dans ce cas, je peux te faire une proposition ?

    -Oui mais je ne dis  pas que j’y répondrais.

    -Eh bien il est tard et je suis fatiguée. Donc j’aimerais bien dormir si possible.

    -Dormir ! Il n’est pas encore midi !

    -Ben justement…

    -Ah oui pardon… J’oubliais. Alors suis-moi… si tu le peux ! glissa-t-il avec malice avant de s’enfuir à toutes jambes.

    -Tricheur, lui cria Mizuki avant de s’élancer à sa poursuite.

    Xylin s’était élancé vers le haut des marches, ne s’arrêtant même pas pour vérifier si Mizuki le suivait ou non. Il ignora plusieurs couloirs avant de s’engouffrer dans l’un d’entre eux qui menait vers le centre de l’arbre. Il débouchait sur une vaste esplanade illuminée de soleil mais Mizuki n’eut pas le temps d’admirer cette remarquable architecture, trop occupée qu’elle était à suivre le prince à la trace. Il était hors de question qu’elle se perde dans un arbre gigantesque où n’importe quel garde pourrait la tuer à cause du simple fait qu’elle soit une Norix !

    Elle essaya quand même de se faire un schéma mental de la structure globale de cette ville végétale mais elle se rendit vite compte que Xylin prenait exprès des détours pour la perdre complètement. Elle abandonna donc et ne se concentra plus que sur le chemin qui s’ouvrait devant elle. Sauf qu’elle commençait à manquer d’endurance : ses jambes se faisaient lourdes, son cœur battait la chamade, son souffle était de moins en moins régulier et les nombreuses heures de veille commençaient à se faire sentir.

    Ce fut ce moment-là que choisit Xylin pour mettre fin à cette course effrénée.

    Ils débouchèrent tous les deux dans une vaste pièce et voyant Xylin s’asseoir sur un gros pouf pour reprendre son souffle, Mizuki se laissa glisser par terre et dut attendre de longues minutes avant de pouvoir parler :

    -Tu as failli me tuer ! Je n’ai plus l’habitude d’autant courir ! Tu m’as fait monter et descendre un nombre incalculable de marches !

    -Mais c’était nécessaire…

    -Tout de même, grommela Mizuki dans sa barbe. Ça ne se fait pas.

    -Avoue c’était épique quand même ! fit Xylin en éclatant de rire.

    Rire qui fut bientôt rejoint par celui de Mizuki.

    -Tiens c’est la première fois que je t’entends rire, remarqua-t-il.

    -On ne s’est pas beaucoup vu non plus. Ni parlé.

    -Pas faux. Avant de dormir, si tu veux prendre une douche c’est dans la pièce d’à côté, lui enjoignit-il en désignant une porte de la main.

     

    Mizuki pénétra donc dans cette autre pièce où elle ne vit que le bassin qui occupait son centre. Elle fit disparaître ses vêtements sans même y penser et plongea dans l’eau… glacée !

    -Kya ! C’est froid !

    Un rire lui parvint depuis l’autre côté de la porte.

    -C’est de l’eau de pluie ! J’avais oublié de te prévenir…

    -Ce n’est pas un oubli quand on fait  exprès ! Méchant !

    Avant d’entendre sa réponse, Mizuki mit la tête sous l’eau afin d’être totalement immergée. Son affinité avec elle lui permettant de la diriger selon sa propre volonté, elle la fit chauffer lentement jusqu’à la température idéale et enfin elle put se prélasser le long du bassin. Depuis combien de temps n’avait-elle pas pris de bain aussi relaxant ? Une éternité lui semblait-il. En tout cas, ça faisait un bien fou. Ses paupières papillonnèrent, le sommeil allait bientôt la prendre…

    Elle sortit donc du bain dans un état de semi-conscience, prit une serviette en mousse – ou en tout cas quelque chose qui y ressemblait beaucoup – pour s’essuyer. Elle était si fatiguée qu’elle ne pensa même pas à se servir de son pouvoir… Le monde commençait à devenir de plus en plus flou, de plus en plus lointain… Pour la première fois depuis longtemps, elle se sentait tellement humaine.

    Sans se souvenir comment elle avait fait, elle rejoignit la pièce où était Xylin et se roula en boule sur son lit. Elle ferma les yeux avec délice et se laissa emporter dans les bras de Morphée. 

     

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    cette histoire a été entièrement inventée, merci de respecter l'auteure et de ne pas vous servir de ce texte à des fins personnelles