Blog contenant des histoires inventées et des poèmes
-Dans vos yeux j’ai lu la même solitude que la mienne, le deuil de la famille.
Comment un si jeune garçon a-t-il pu me comprendre aussi bien ? Des larmes se mettent à couler silencieusement le long de mes joues, et tombent dans l’herbe goutte à goutte. Gabriel me tend alors une main rassurante en me disant : « Viens chez moi, ce sera plus confortable que de dormir par terre, et puis je crois qu’effectivement on a beaucoup de choses à se dire ». Son sourire bien qu’un peu triste, efface mes larmes. Je saisi sa main et il m’entraine à travers les bois sans hésitations.
Bien que Gabriel m’accompagne, les bois qui hier m’apparaissaient si rassurant, sont devenus terrifiants. La révélation soudaine de mes pouvoirs et cet enfant m’ont déstabilisés. Les branches des arbres m’apparaissent comme des doigts crochus, les buissons s’accrochent à mes jambes comme s’ils ne voulaient pas me laisser partir, et je bute sur mille et un obstacles. Pourtant Gabriel, lui, n’a pas l’air gêné par tout ça, il se glisse avec fluidité entre les arbres et s’il ne me tenait pas la main, je l’aurais perdu de vue depuis bien longtemps déjà. Mais le pire c’est le bruit, Gabriel et moi ne parlons pas et tous les bruits de la nuit nous sont audibles, le craquement d’une branche cassée par on ne sait quel animal, un rougeur qui grignote une graine, une chouette qui hulule, quelque chose qui tombe… Tout ça n’est vraiment pas très rassurant.
Mais enfin Gabriel s’arrête ; nous sommes à la lisière d’une clairière et je distingue vaguement une petite maisonnette sur un fond d’étoiles.
-Bienvenue chez moi, me dit Gabriel en se tournant vers moi. Ses yeux brillent étrangement, comme ceux d’un chat en fait. Se doutant peut-être de mes pensées, Gabriel se détourne de moi, et m’entraine vers la maisonnette ; vu de près c’est plutôt une cabane.
-Comme il est tard, je te propose de nous coucher maintenant, le temps des explications viendra plus tard, tu ne penses pas ?
J’acquiesce faiblement, je suis épuisée. Il me cède son lit mais je n’ai pas l’énergie de refuser. Une fois la tête posée sur l’oreiller, je m’endors comme une masse d’un sommeil lourd et sans rêve.
C’est l’odeur des œufs sur le plat qui me réveille.
-Miam ! Ça sent diablement bon ! J’ai l’impression que ça fait des lustres que je n’ai pas mangé…
Comme pour m’approuver, mon ventre gargouille bruyamment.
-Ah enfin réveillée ? J’ai eu le temps de faire l’aller-retour jusqu’à la route marchande pour acheter à manger et tu dormais encore !
-J’avais besoin de repos, dis-je en m’excusant.
-Peut-être que tu voudrais te débarbouiller un peu avant de manger, non ?
Quel hôte prévenant ! Je me lève donc, et m’aperçoit à ma grande douleur que je suis pleine de courbatures.
-Aïe, aïe, aïe !
-Tu t’es fait mal, ça va ? s’inquiète Gabriel inutilement.
-Juste de courbatures, je n’ai pas tellement l’habitude de marcher.
Il ne s’en formalise pas, mais je vois bien que ça l’étonne. Pour couper court à toute discussion, je sors donc de la cabane. Le soleil éclatant m’empêche pendant un instant de voir mais je finis par distinguer une minuscule clairière ayant à peine la place de contenir la cabane et un petit potager. Aucun point d’eau. Je vais me débarbouiller où ?
Je repasse alors la tête par la porte : « Gabriel, où est-ce que… ». Je ne termine pas ma phrase, Gabriel a des oreilles de chats ! Et une queue !! M’est avis que ce n’est pas du cosplay…
-Viviane ! Je croyais que tu étais partie te laver ?!
-Ben, euh, je n’ai pas vu de point d’eau, donc je ne savais pas vraiment où aller… Mais pourquoi tu… ?
-Bah, puisque tu l’as découvert, viens t’assoir pour manger pendant que je te raconte mon histoire.
Il attend que j’ai bien commencé mon omelette (j’ai eu le droit à une giga part !!) et débute ses explication ; l’histoire de sa vie…
« Je suis né très loin d’ici, et pour mon plus grand malheur, à ma naissance j’étais déjà un Magic. Tous les Magic doivent être confiés à l’Etat à la découverte de leurs pouvoirs, comme tu dois le savoir, ce qui fit que mes parents se disputaient régulièrement à ce propos. Les familles qui livrent ainsi leur enfant ne les revoient jamais et ne reçoivent aucune nouvelles. C’est dans ce climat tendu que j’ai grandi jusqu’à l’âge de six ans environ. Mes parents avaient réussi à cacher à leur entourage que j’étais un Magic mais un soir mon père rentra d’une beuverie particulièrement arrosée et il me vit transformé. Il entra alors dans une colère noire… Ma mère m’a caché dans la cave, mais dans sa folie meurtrière il tua ma mère de plusieurs coups de couteau, puis ne me trouvant pas, il s’est jeté d’une falaise dans la mer et s’est noyé. »
Je retins à grand peine une exclamation d’horreur, comment un père pourrait-il faire ça à sa famille ? Les Magic sont-ils donc si mal vus ? Pourtant ce ne sont que des enfants… Impitoyable, il continua et je ressentis dans ses paroles un besoin de se confier à quelqu’un. Enfin ; après toutes ses années…
« Après ça, je me suis enfui de chez moi, j’étais jeune et débrouillard mais je ne m’attendais pas à ce que le monde des adultes soit si dur. Les gens me rejetaient et ne voulaient pas me confier de travail. Je ne savais rien faire par moi-même. Et tout naturellement, je suis devenu voleur à la tire sur cette route ; de temps en temps je gagnais une pièce ou deux en aidant un marchant, ce qui me permettait de m’acheter un morceau de pain. Plus tard j’ai trouvé cette clairière et j’ai décidé de m’installer définitivement ici. Ça fait cinq ans que j’habite ici et ça n’a, comme ce n’est, pas été facile tous les jours. J’avais tellement de choses à apprendre : de la menuiserie jusqu’à la pêche en passant par des choses comme coudre, cuisiner ou jardiner. Puis je t’ai rencontré. »
J’avais fini mon assiette depuis longtemps mais après qu’il eut terminé son histoire, le silence s’étira. Je ne sais pas quoi dire, il n’est pas facile de réconforter quelqu’un qui vient de t’offrir son cœur et une histoire qu’il n’a probablement jamais racontée à personne. Alors tout naturellement –ou du moins tenté-, je dis :
-Bon alors tu me montres où me débarbouiller ?
Une lueur de surprise étincelle dans ses yeux, et elle se transforme rapidement en reconnaissance. Je l’ai écouté attentivement mais je ne pourrais jamais comprendre ce qu’il a vécu. On ne peut pas savoir la peine qu’à enduré quelqu’un dans ce genre de situation et je n’aime pas prononcer des paroles creuses, vides de sens.
-Chiche que tu ne me rattrapes pas ?
-Tenu !
Et il se met à courir avec une grâce et une souplesse féline. La source où il m’emmène n’est pas très loin, et comme il l’avait parié, il arrive bien avant moi. J’arrive toute essoufflée à côté de lui.
-C’est… de la triche… tu connais le chemin par cœur !
-Haha ! Il ne faut pas se lancer dans des entreprises perdues d’avance !
-Mouais… Alors la revanche de la perdante, je crie en le poussant dans l’eau tout à coup.
-Hééé ! fait-il avant de faire un gros ‘plouf’ dans l’eau.
Je suis pliée de rire, il est trop mignon tout dégoulinant d’eau ! Et quand enfin je lui tends une main compatissante, il me tire dans l’eau et je fini comme lui … trempée !
On éclate de rire ensemble et une joyeuse bataille d’eau commença. Sans vainqueur ni perdant cette fois.
Ce fût seulement le soir que je me décidais à raconter mon histoire : ma vie avant d’arriver dans ce monde, le choc des cultures et surtout la découverte de ces pouvoirs qui m’ont value d’être poursuivie puis chassée.
« Tu sais, quand je me suis rendue compte que je ne pouvais plus rentrer, j’ai dû me dire que je ne reverrais jamais ma famille, comme s’ils étaient tous morts. Ça a été difficile sachant qu’ils devaient m’attendre là-bas, dans mon monde. Et puis finalement tous ces nouveaux pouvoirs ont occupés mon esprit à d’autres réflexions. Ma famille me manque toujours énormément mais comme si j’étais encore en deuil. Pour l’instant, ce qui me préoccupe le plus, c’est de maîtriser mes pouvoirs. »
-Viviane je vais t’aider ! Qu’est-ce que tu sais pour l’instant de tes pouvoirs ? Au fait tu dois savoir que normalement un Magic ne donne jamais à un autre Magic ses capacités. C’est trop dangereux, mieux vaut éviter de se donner un désavantage contre l’autre.
J’acquiesce d’un hochement de tête et répond à sa question.
-Pour l’instant tout ce que je sais c’est que je vole, que dans une foule le jour je reçois toutes leurs peines, douleurs et souvenirs, mais d’instinct, je dirais que la nuit je suis tranquille.
-Tu peux voler ?! Ton élément serait donc l’air ! Je suis prêt à parier que tu peux le contrôler ! J’en mettrais mes oreilles à couper !
Après une longue discussion, nous nous sommes couchés mais aucun rêve n’a troublé ma nuit. Comme si Gabriel me servait de bouclier.
-Alors récapitulons, d’après ce que l’on a pu constater, ton pouvoir serait ineffectif la nuit, par contre durant le jour tu captes toutes les pensées tristes, le désespoir et la colère des gens sans distinction. Or ce flux perpétuel d’émotions est ingérable, tu te dois donc de trouver un moyen d’endiguer ce flot, par exemple grâce à une barrière mentale. Toutefois tu ne peux pas te permettre de négliger tous ces appels à l’aide, il faut donc que tu trouves un moyen de faire passer certains en « urgence » par rapports aux autres. Tout ceci requiert beaucoup de concentration, si jamais tu subis un trop grand choc, ou une émotion trop forte, ta barrière volera en éclats.
-Mais comment sais-tu tout ça ?
Je suis réellement surprise, mais je n’eus le droit qu’un un clin d’œil en guise de réponse.
-En plus on vient tout juste de se lever, il est encore tôt !
-Peut-être, mais la journée appartient à ceux qui se lèvent tôt et dans ton cas on a beaucoup de choses à faire ! Et le plus tôt sera le mieux, dit-il en souriant.
Je grommèle un peu pour la forme et une fois mon petit-déjeuner terminé, on s’installe au milieu de la clairière. Il s’assoit en face de moi en tailleurs et nous restons assis de longues heures afin de construire ma barrière mentale. Je n’ai pas vu le temps passer : nous étions tous les deux extrêmement concentré et quand enfin j’ai appris à maîtriser à peu près correctement sa barrière mentale, le soleil déclinait déjà.
-Fiou ! Je suis crevée !
-Parle pour toi ! Et moi alors ?
Je lui tire les joues gentiment et on éclate de rire ensemble. Une complicité s’est liée entre nous durant ces longues heures, il est devenu comme un petit-frère pour moi et je suppose qu’il me considère un peu comme une grande-sœur.
-Bon allez cette fois c’est moi qui fais à manger !
-Hors de question ! Tu vas tout faire cramer !
-Mais non, tu es mauvais, je ne suis pas si nulle…
Il hausse un sourcil jusqu’au milieu de son front. Apparemment il doute de moi… à raison !
Je cède de bon cœur : « C’est bon, c’est bon, tu as gagné ! Mais plus d’omelette ! Je veux des légumes ! »
-A vos ordres Madame !
-Et en dessert je veux des fruits caramélisés sur le feu !
-C’est bon au moins, me répond-il avec une moue dubitative.
-Euh, je sais pas… j’ai jamais testé en fait… On verra bien.
-D’accord, je t’accorde ça par contre c’est toi qui fait la vaisselle !
-Marché conclu ! Tope-là !
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cette histoire a été entièrement inventée, merci de respecter l'auteure et de ne pas vous servir de ce texte à des fins personnelles