• chapitre 12

    Les mailles du filet s’abattent sur les ailes de Mizuki qui proteste fortement :

    -Arrêtez ! Mes ailes ! Vous me faites mal !

    Mais pour les oreilles des humains, ce n’est qu’un tintinnabulement de clochettes.

    -Qu’est-ce qu’elle dit ?

    -Ça parle vraiment ses choses-là ?

    De grosses têtes humaines se rapprochent de la petite silhouette qui se débat vainement dans le filet. Plus Mizuki essaye de s’échapper du filet et plus celui-ci s’emmêle. La panique la gagne. Que vont lui faire ces humains ?

    -Frank tu crois qu’on pourra revendre « ça » cher ?

    -Banane c’est une fée ! Alors oui forcément !

    Les ailes de Mizuki scintillent de mécontentement. Comment osent-ils la traiter de choses ?!

    Puis la lumière se fait dans son esprit. Elle, elle peut comprendre ce qu’ils disent ! Ce qui n’est pas réciproque.

    Profitant du fait qu’ils se chamaillent, Mizuki utilisa discrètement son pouvoir pour se défaire de sa prison de cordes et essaya de s’esquiver. Mais le scintillement de ses ailes la trahit : en pleine nuit noire, elle ressemblait à une petite lumière étincelante. A peine eut-elle fait trois pas que celui qui avait l’air le chef l’attrapa par une aile. Les larmes lui vinrent aux yeux.

    -Aïïïïe !

    -Je crois que tu lui fais mal…

    -Ah ?

    Puis sans autre forme de procès, on la fourra dans un gros sac noir de mailles en fer –la magie des Norix ne peut rien contre le fer – où elle fut ballotée dans tous le sens au rythme des pas de son porteur. Cette marche lui parut durer une éternité tant la chaleur était étouffante dans le sac. Bientôt elle se mit également à suffoquer à cause du manque d’air. Elle devenait de plus en plus faible lorsque le sac s’ouvrit enfin.

    -Frank, tu crois qu’elle est morte ? Elle ne bouge plus.

    -Ses ailes sont encore lumineuses… alors je suppose qu’elle doit être en vie. Peu importe, sors la du sac maintenant.

    Complètement hagarde, Mizuki sentit qu’on la prenait pour la déposer sur une surface dure. Les yeux à demi ouverts, elle entraperçut une main tenant une minuscule chaine en fer prolongée par des menottes. Elle tenta vainement de se débattre mais elle était trop faible. Elle entendit clairement le claquement des menottes lorsque celles-ci se refermèrent sur sa cheville et son poignet. Les brumes qui envahissaient son esprit se dissipèrent alors et la panique s’empara à nouveau d’elle. Elle s’évanouit.

     

     

    Une lumière aveuglante perça soudainement à travers les paupières de Mizuki. Elle cligna faiblement des yeux puis s’habitua enfin à la lumière. Regardant autour d’elle, elle fut un instant perdue : elle se trouvait au milieu d’une vaste pièce vide de tout mobilier. Enfin non pas entièrement vide en fait puisqu’elle était assise sur une table. Une table ? Mais où était-elle donc ? Que s’était-il passé ? Une brulure à son poignet droit et sa cheville gauche firent revenir les souvenirs. Elle s’était approchée du village, l’avait survolé et s’était posée dans un parc. Ensuite ses souvenirs étaient confus : elle se souvenait juste avoir été enfermée dans le noir puis attachée. Après le black-out.

    Elle se sentait exténuée… depuis combien de temps avait-elle été enfermée ? Le fer ne commençait à avoir un effet ravageur sur les Norix qu’au bout de cinq jours… Peut-être que son voyage l’avait fatiguée ? Lasse de ces réflexions, Mizuki se rallongea, ferma les yeux et se rendormit.

     

    Cette fois ce fut des voix qui réveillèrent Mizuki. Pourtant elle fut incapable d’ouvrir les yeux ou de bouger légèrement. Seules sa fatigue et la douleur brulante du fer la rattachait à la réalité maintenant. Même les voix se faisaient confuses… Elle sentit qu’on la manipulait doucement, puis quelque chose lui piqua le bras. Elle eut un sursaut puis elle se rendormit à nouveau.

    Les jours s’écoulèrent ainsi : la lumière la réveillait puis il y avait la piqure et de nouveau elle dormait. Pas de faim ni de soif : juste la douleur du fer et toujours la fatigue. Immense. Elle flottait dans un était d’inconscience presque permanent.

     

    Baignant dans une torpeur liquide Mizuki revient peu à peu à la conscience. Pour la première fois depuis longtemps elle sent que ses capacités cognitives sont à leur maximum. Elle profite de cet instant de douceur et se laisse aller à une torpeur insouciante. Elle n’a plus mal, elle se sent bien.

    -Voilà donc à quoi ressemble la future reine des Norix ? Je suis déçue… Je m’attendais à mieux venant de ta part.

    Mizuki se redresse – enfin repasse dans une position éveillée – et cherche des yeux la reine Naïla. Mais celle-ci ne se trouve nulle part. Seul un vague spectre se dresse devant elle. Une impression moqueuse flotte. Elle la ressent comme si on un courant chaud se frottait contre elle.

    -Eh non je ne suis pas vraiment là. Et pourtant… réveille-toi, je m’ennuie, viens m’amuser.

    Furieuse, Mizuki frappe… dans le vide. Le spectre s’est évanoui dans le néant.

    Mais bientôt quelque chose d’autre apparaît : un  oiseau. Cette fois c’est une chaleureuse douleur qui l’envahit. Celle de Xylin.

    -Tu m’as quitté pour « ça » ? Mizuki je t’en prie… reprends-toi !

    Sa tristesse glacée lui fait l’effet d’une douche froide. Mais elle n’arrive toujours pas à se réveiller. Le sommeil est trop fort. Une troisième et dernière silhouette prend place. Une personne qu’elle n’a encore jamais vue. Ou plutôt si mais pas dans la réalité… Le visage d’un jeune homme aux cheveux bruns et bouclés qui lui tombent sur les épaules. Ses yeux noisettes ont une lueur d’étonnement qui font ressentir les pailletés d’or de ses iris.

    -Qui es-tu ? On se connaît ? J’ai l’impression… d’un déjà vu ?

     

    -Le garçon au tableau…

    Cette fois c’est Mizuki qui parle. Pour la première fois depuis longtemps. Et elle est réveillée. Sans même y penser, les atomes de son corps se réarrangèrent et c’est sous forme d’eau qu’elle se transforma sous les yeux de plusieurs hommes ébahit. Elle se transforma alors qu’elle n’aurait pas pu à cause du fer. Elle se transforma alors que l’instant d’avant elle était complètement endormie. Elle se transforma avec la certitude de devoir retrouver le garçon aux yeux noisette.  

    Se rematérialisant sous sa forme de pixie, Mizuki profita du moment d’absence de ses geôliers pour s’échapper. La porte fut vite atteinte et suivant un courant d’air, elle s’envola par une fenêtre entrouverte. L’air du nouveau jour lui emplit les poumons et une lueur rose émane du ciel. Sentant qu’elle a peu de temps devant elle, son instinct de bête traquée lui souffle de se dissimuler dans les buissons environnants. Mais elle n’en n’eut pas le temps. Les chasseurs sont déjà là. Pourtant elle se sent prête, prête à défier le monde pour Le retrouver. Alors elle se posa au sol. Aussitôt un halo rouge vif l’illumine. Une étoile à dix branches inscrite dans deux ellipses l’entoure. Peu à peu elle prend en netteté et des symboles ondulent le long des branches de l’étoile en se déplaçant vers le centre. Peu à peu tous les symboles se fondent les uns dans les autres et Mizuki disparaît dans une chaude lumière.

     

    L’instant d’avant, Mizuki se préparait au combat pour ne pas redevenir prisonnière, et celui d’après elle était au milieu d’une clairière entourée de hauts arbres. L’air sentait l’humus, la terre humide et les champignons. Le clapotement des gouttes d’eau qui tombaient sur des feuilles lui fit relever la tête. La voute des arbres lui paraissait éminemment lointaine et pourtant elle avait l’impression d’être rentrée chez elle.

    -Mais qu’est-ce que c’est que ça ! cria une voix d’un ton déçu.

    Mizuki se retourna d’un seul mouvement vers la silhouette à laquelle elle n’avait pas pris garde. Celle-ci était légèrement en retrait et semblait s’attendre à quelque chose d’autre.

    -Sympa l’accueil ! Et tu sais que je ne suis pas une chose ? Donc si tu pouvais éviter de me traiter de « ça » !

    -Et ça… tu parles en plus !

    -Bien sûr que je parle ! Par contre ce n’est pas très juste… Je ne peux pas te voir alors que moi tu es en train de m’observer comme une souris de laboratoire !

    L’humain – oui la silhouette lui faisait bien présager que c’était un humain et un jeune a priori – sembla hésiter légèrement avant de faire quelques pas en avant. De grande taille il aurait pu paraître adulte, mais sa manière timide de bouger montrait qu’il avait au plus dix-huit ans. Et même s’il avait un très beau physique, ce furent ses yeux qui mobilisèrent immédiatement son attention. Des yeux qui lui firent monter le rouge aux joues et rater un battement. De magnifiques yeux noisette pailletés d’or.

    -Qu’est-ce que tu as à me fier comme ça ? On dirait que tu viens de voir un fantôme…

    -Ben c’est à peu près ça en fait, toussota Mizuki.

     

     

    -Tu devrais aller légèrement vers le sud…

    -Et pourquoi je devrais suivre tes conseils ? Ai-je un moyen de savoir que tu ne cherches pas à me perdre ?

    -De un parce que tu es DEJA perdu, et de deux parce que ce n’est pas du tout dans mon intérêt puisque tu m’as gentiment attachée à toi…

    -Arrête de grogner, ce n’est qu’un sort mineur !

    -Mais je ne peux même pas voler ! Je suis obligée de rester assise sur ton épaule, fulmina Mizuki.

    Tout ça à cause du délire du maître de Daniel, elle était liée à ce dernier. Elle ne pouvait donc pas s’éloigner à moins de trente centimètre de lui… Trèèès pratique.

    Mizuki soupira.

    -Bon bah puisque tu ne veux pas m’écouter, je te laisse tourner en rond, moi je vais faire un petit somme.

    Elle se cala dans le creux entre la lanière du sac-à-dos de Daniel et son cou puis elle ferma les yeux. Aussitôt sa rencontre avec Daniel lui revinrent en mémoire. Ou plutôt ses explications. En effet, Daniel était un magicien en apprentissage et il avait cherché à faire une invocation. Son maître lui avait demandé d’invoquer un être magique puissant et il se trouve que c’est Mizuki qui était apparue… très déçu par sa petite taille et son aspect fragile il avait pensé avoir raté son enchantement et l’avait tout de même ramenée chez son maître. Sauf qu’effectivement Mizuki était puissante étant une Warixe… Et si lui ne le savait pas, son maître lui l’avait tout de suite remarqué ! Donc Sieur Hingels avait décrété qu’ils formeraient une équipe et c’est ainsi que Mizuki s’était retrouvée liée à Daniel. Bon en soi ça ne la dérangeait que peu puisqu’elle sentait devoir aller avec lui. Mais entre être libre et liée il y avait une grande différence ! Surtout quand son « coéquipier » ne lui faisait pas du tout confiance alors qu’elle était dans la même mouise que lui…

    -Trouvé !!!!

    Le cri triomphant de Daniel la sortit de sa rêverie et elle entrouvrit un œil. Ils étaient enfin arrivés à la cascade qu’ils cherchaient depuis le début de l’après-midi. Cela faisait donc environ cinq heures…

    -Si tu m’avais écouté on n’en serait pas là ! Le soleil va bientôt se coucher maintenant !

    -Ah bon ? Et qui me dit que tu avais raison ?

    -Puisque tu te crois si intelligent, vérifie donc sur ta boussole. Je t’avais dit qu’il fallait aller au sud, il est donc facile de vérifier… Sauf si tu ne sais pas non plus te servir d’une boussole ! fit narquoisement Mizuki.

    Elle ne prit même pas la peine de le regarder, elle savait qu’elle avait raison. Le juron de Daniel ne fit qu’accentuer son sourire et augmenter la mauvaise humeur de celui-ci.

    Il s’excusa tout de même piteusement et elle enterra la hache de guerre.

    -Allez c’est pas grave… La prochaine fois on fera mieux. Par contre il faudrait peut-être monter le campement, non ? On a accumulé du retard qu’il faudra rattraper demain.

    Il se mit tout de suite au travail conscient de l’importance de monter rapidement sa tente et de faire du feu : les nuits étaient fraiches, très fraiches.

     

    Le ventre plein et lavée sur le ventre de Daniel, bien au chaud, Mizuki se dit que finalement ce n’était pas si mal. Pour une fois elle savait qu’elle ne se ferait pas agressée et elle avait un but, une mission à réussir avec Daniel et qui promettait de bien s’amuser. Et si son destin était bien d’être avec lui, peut-être trouverait-elle ce qu’elle cherchait si ardemment.

     

    Mais avant ça il fallait trouver qu’ils trouvent la fleur de lune. 

     

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     cette histoire a été entièrement inventée, merci de respecter l'auteure et de ne pas vous servir de ce texte à des fins personnelles